Julien, tu es comédien de théâtre, tu montes actuellement le Legs de Marivaux, et tu prépares un spectacle seul en scène sur les textes de Pierre Desproges. Nous voulions avoir ton point de vue sur la nouvelle épreuve du baccalauréat, le grand oral. Cette épreuve est une épreuve pour tous lors de laquelle l’élève doit présenter des questions de spécialités et son projet (lire notre FAQ sur le Grand Oral). Qu’en penses-tu ?
Ça me paraît positif, quand j’étais au collège et au lycée (fin des années 2000) il y avait assez peu d’oral dans la scolarité, à l’exception de deux ou trois exposés à faire par-ci par-là. Pour ma part les épreuves orales ont vraiment pris une autre dimension pendant mes études supérieures.
Certaines personnes sont plus à l’aise à l’oral qu’à l’écrit et peuvent se sentir lésées dans un système où les épreuves les plus importantes sont sur table. D’autres, se croyant timides ou introvertis, n’ont juste pas eu l’occasion de s’exprimer, et une épreuve orale peut aider certains à se rendre compte que, finalement, ils sont tout à fait à l’aise devant un auditoire.
Le fait de devoir préparer et présenter son projet personnel peut encourager l’élève à se poser plus tôt des questions importantes (au fond qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Qu’est-ce qui me passionne vraiment ?).
C’est en exprimant les choses que nous les définissons le mieux généralement. Mais l’incertitude dans son projet personnel, surtout vers 17 ans est tout à fait légitime, il ne faut pas hésiter à l’exprimer, à le formuler également.
Pour ces raisons je trouve que le Grand Oral est plutôt une bonne idée, reste à savoir comment ça se goupille dans la pratique.
Une place centrale ! Le comédien doit avant tout être intelligible pour faire comprendre l’histoire qu’il raconte. Les divers artifices de l’expression orale comme les intonations, les expressions de visage, le langage corporel, les accentuations, sont des éléments primordiaux du jeu d’acteur. Au final on peut rapprocher ça d’un grand oral : un acteur qui joue une pièce cherche à dégager une certaine sincérité tout ayant un objectif, celui de captiver les spectateurs, autrement dit les « convaincre » que la pièce vaut la peine d’être regardée.
La base, c’est de se faire comprendre. Bien sortir la voix, ne pas marmonner dans sa barbe, bien articuler, c’est le minimum syndical.
Après c’est difficile de définir la présence, le charisme …
Si je devais donner des conseils pour avoir plus de présence, je dirais tout d’abord de ne pas s’éparpiller : parfois en faire plus c’est en faire trop. Par exemple certains petits gestes peuvent parasiter le discours et montrent qu’on cherche à éviter l’effroi de ne pas savoir quoi faire de ses mains. Du coup on tripote un stylo tout le temps de la prise de parole.
Pour avoir plus de présence, on peut aussi tâcher d’être plus « en un bloc » : ne pas avoir peur de limiter les gestes, de parler plus lentement, de finir sa phrase avant de répondre à une question, même si on vous a interrompu pour vous la poser.
Aucun sujet n’est ennuyeux en lui-même ; c’est surtout la manière d’en parler qui change tout, qui donne de l’intérêt. Il faut être réveillé, vivre ce que l’on dit, savoir invoquer des images fortes dans l’esprit des auditeurs, parler avec engagement. L’implication, la générosité, y aller franchement, peut aider à donner plus de sincérité quand on prend la parole.
De nouveau, tout d’abord être bien compris : parler de manière claire, prendre sa respiration dans le ventre et pas dans la poitrine. Le stress ou vouloir aller vite peut pousser à comprimer les mots, au contraire, il faut parler large, ralentir le débit. Il est important de parler sur son médium, c’est-à-dire le timbre naturel de sa voix, le timbre avec lequel on peut parler longtemps sans se fatiguer la voix. Quand on écoute quelqu’un qui parle sur son médium, c’est agréable à entendre, alors que ceux qui sont au-dessus de leur médium vont parler d’une voix aigüe qui lasse vite les auditeurs et qui esquinte vite les cordes vocales.
Il faut aussi savoir découper ses phrases en groupes de mots, accentuer ceux qui sont plus importants que les autres. En y faisant attention régulièrement au début ça vient et naturellement on finit par le faire sans réfléchir mais sous le stress d’une présentation il faut être vigilant.
Jouer c’est faire quelque chose d’apparemment grave (jouer des scènes tragiques sur scène, construire des maisons dans un jeu de société, sauver le monde dans un jeu vidéo) mais sans enjeu. Pour le cas d’un oral à passer, c’est souvent la conscience trop grande des enjeux qui fait stresser et rater l’épreuve. Quand on joue, on dédramatise !
Rien n’est grave, il n’y a aucune sanction définitive qui m’impacte personnellement. Ça peut permettre de prendre du recul lorsqu’on est amené à faire son oral pour de vrai, en se disant que c’est un jeu comme un autre. Ainsi, on relativise et on est mieux armé pour s’exprimer le plus librement possible.
Merci Julien pour ton avis et tes conseils sur l’expression orale en général !
Et si le jeu était une manière d’enseigner différente, s’il avait toute sa place dans les apprentissages tout au long de notre vie. Notre questionnement va nous emporter dans le temps, de Rabelais à aujourd’hui, et éveiller nos consciences sur une démarche pédagogique réfléchie.
Dans cet article, nous allons nous pencher sur les processus argumentatifs sous le prisme de la psychologie. Une bonne argumentation permet d’organiser ses idées, de se les approprier et de les restituer dans un tout cohérent. C’est ce processus que l’on demande aux lycéens pour détailler leurs questions de spécialité et choix d’orientation lors du grand Oral.
Tout est prêt, le plateau est disposé, les cartes distribuées, les pions sur la case de départ, et la, un de vos invités déclament en voyant tout cela : « Oh ! Moi ! Je n’aime pas jouer ! ». Vous, joueur dans l’âme, adepte de la carte, amoureux des règles, vous ne comprenez pas, qui n’aime pas jouer ?